Handicap invisible au travail : Et si on arrêtait de se cacher?

22 janvier 2025

Dernière mise à jour 27 janvier 2025 à 06:52 pm

De nombreuses personnes vivent avec un handicap invisible. Bien plus qu’on ne le pense. Évoluer dans le monde professionnel avec une différence qu’on choisit de cacher, c’est un peu comme porter un masque. Vous fonctionnez, vous performez, mais une partie de vous reste dans l’ombre. Je le sais, car je vis avec une surdité depuis ma naissance. Ce n’est qu’en 2018 que j’ai commencé à en parler ouvertement, dans une démarche d’acceptation de moi-même et de ma réalité.

La réalité qu’on partage

Avec un handicap invisible, on ne se sent souvent pas « handicapé » parce qu’on arrive à fonctionner en grande partie normalement. On s’adapte facilement et on compense en trouvant des petites stratégies pour contourner ou cacher nos défis au quotidien. Bien souvent, seuls nos proches et notre famille connaissent vraiment cette réalité. Dans le milieu professionnel, il est rare qu’on en parle. La peur du jugement, d’être défini par notre handicap, de susciter la pitié ou encore de perdre des opportunités nous retient.

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Des statistiques qui parlent

Environ 32% des Canadiens croient que leur milieu de travail est un lieu sûr où ils peuvent révéler leur handicap. Et 60% des Canadiens handicapés qui occupent un emploi cherchent activement du travail ailleurs, car ils se sentent sous-employés et victimes de capacitisme dans leur milieu de travail actuel. (sondage de KPMG ).

En 2022, 21,0 % des Québécoises et Québécois de 15 ans ou plus vivant en ménage privé ont une incapacité. Cette proportion représente environ 1 422 020 personnes. Parmi cette population, le taux d’incapacité est significativement plus élevé chez les femmes que chez les hommes (23,6 % contre 18,2 %). (Office des personnes handicapées du Québec)

Pourquoi nommer les choses?

Pour moi, avoir un handicap visible ou non, reste un fait. Ça ne définit pas qui on est. J’ai rencontré plusieurs personnes avec des handicaps plus visibles que le mien, et elles ne se sont jamais senties handicapées.

Si j’ai un regret, c’est de ne pas avoir accepté ma surdité plus tôt. Aujourd’hui, je comprends que nommer les faits, tout comme exprimer nos besoins et nos préférences en matière de communication, peut encourager d’autres à faire de même. Je crois que la normalisation passe par la visibilité. C’est en étant nombreux à le faire que nous pourrons normaliser le handicap dans son ensemble.

Je compare ça à l’entrepreneuriat. Avant 2010-2011, il était rare de voir les médias mettre en avant l’entrepreneuriat au Québec sous toutes ses facettes. Puis, lorsque le gouvernement a commencé à investir dans la promotion des entrepreneurs, les choses ont changé. Les acteurs économiques ont lancé divers programmes et événements qui ont permis aux gens de reconnaître leur fibre entrepreneuriale, d’être fiers de leurs accomplissements et d’en parler.

Que ce soit par des publications sur le Web, des entrevues dans les médias traditionnels, des conférences ou des formations, cette visibilité a fait une réelle différence. Aujourd’hui, même si certaines personnes en abusent, le terme « entrepreneur » est devenu « cool ». Il en va de même pour la normalisation du handicap : plus nous en parlerons, plus nous contribuerons à faire avancer les choses.

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Par où commencer pour parler de son handicap invisible?

Je ne dis pas qu’il faut en parler à tout le monde, tout le temps. Je comprends que ce n’est pas évident de se montrer plus vulnérable. Je le sais, je l’ai vécu. C’est important de trouver un équilibre.

Vous pouvez commencer à en parler quand ça a un lien avec votre travail. Par exemple, pour moi, ça a commencé quand je faisais face à des défis liés à la communication. J’expliquais mes préférences et pourquoi certaines stratégies étaient importantes pour moi.

Je sais ce que vous vous dites peut-être : « Mon handicap invisible, les gens l’oublient vite. » Et c’est vrai. Mais simplement exprimer vos préférences est déjà un bon départ. Si la personne ne fait pas d’efforts, vous pouvez lui rappeler ou poser certaines limites. Par exemple, décider de ne plus collaborer si ça ne fonctionne pas. Ce n’est pas toujours facile, mais je peux vous assurer que m’entourer de personnes qui s’adaptent à ma réalité m’a énormément aidée. Après tout, c’est beaucoup plus agréable quand les adaptations vont dans les deux sens, et pas dans un seul.

L’impact de votre voix

Enfin, parler ouvertement de ma surdité a été une belle expérience. Ça m’a aidée à grandir autant dans ma vie personnelle que professionnelle. En parlant de mon vécu, j’ai eu la chance de recevoir des opportunités médiatiques pour faire entendre mon message. J’ai aussi collaboré avec plusieurs organismes, ce qui a été très enrichissant.

Ce que j’ai le plus apprécié? Les confidences de personnes qui m’ont dit que mon parcours les avait aidées à mieux accepter leur propre surdité. Ces retours m’ont donné confiance en moi et m’ont fait réaliser à quel point ma débrouillardise était une force. Aujourd’hui, ma surdité, même si elle ne se voit pas, est devenue une partie importante de mon identité professionnelle. Ce n’est pas un frein, mais une force qui m’aide à avancer et à réussir.

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